Les retards administratifs représentent bien plus qu'un simple problème de calendrier. Au 1er degré, on se dit qu’un début de chantier retardé de quelques mois va faire augmenter un peu les intérêts qu’on paie sur notre prêt terrain. Pas idéal, mais gérable. Du moins, en apparence.
En réalité, les étapes du développement immobilier sont toutes interreliées : un retard de l’élément X amène un retard de l’élément Y, et ainsi de suite. Un domino tombe. 10 dominos tombent.
Prenons un projet de 200 unités. Le terrain a été acheté en 2024, le début de construction est prévu en mai 2025. Les locataires commenceront à aménager en mai 2027. Un projet de 62M$.
Puis, à la dernière minute, un détail (c’est toujours un détail) retarde la livraison des permis. La ville veut s’assurer de XYZ, il y a un changement à la réglementation ABC, peu importe. Pas grave, juste un petit 4 mois de retard. Le chantier débutera finalement en septembre 2025.
Une escalade de coûts
Donc, on doit tenir compte de 4 mois de détention supplémentaires avant le début de la construction. 4 mois de plus à payer des intérêts sur le prêt terrain. Mais ce ne sont pas juste des intérêts : durant la détention terrain, on paie aussi des taxes foncières et scolaires sur la valeur du terrain. Et on doit avoir une assurance en place pendant plus longtemps. L’impact de 4 mois de détention supplémentaires sur ces éléments = augmentation des coûts projet de 250K$.
Ensuite, les coûts de construction. 4 mois dans le domaine de la construction, c’est souvent significatif. Les gens s’attendent à une hausse importante du coût de la main-d’œuvre dans les prochains mois. Le coût des matériaux n’a pas l’habitude de diminuer non plus. Disons qu’on prend pour hypothèse que les coûts augmentent en moyenne de 3% par année (c’est conservateur dans la situation actuelle). Disons qu’on avait déjà signé 30% des contrats du projet. Donc pour 4 mois de retard, on a une augmentation de 1% (c’est-à-dire 3% par année pro ratée sur 4 mois) pour 70% des coûts de construction du projet. Ajoutons à ça les coûts de financement liés à cette hausse de coûts (on a obtenu un financement de 75% des coûts). Impact total : hausse des coûts de 270K$.
La modification du calendrier pourrait aussi nous faire encourir des frais supplémentaires si on doit recéduler certains sous-traitants. La coordination à refaire aura un impact certain. Difficile à quantifier, mais le coût administratif en $ et en temps sera très certainement réel.
Durant le 2e hiver de construction, on avait prévu que l’enveloppe du bâtiment serait complètement fermée. Maintenant, avec 4 mois de retard, il va y avoir encore des travaux à l’extérieur à effectuer. Il va falloir chauffer le chantier (augmentation de la facture de gaz), prévoir du temps pour déneiger, peut-être ajouter des additifs pour une coulée de béton à basse température, etc. Plus les intérêts supplémentaires sur chacun de ces coûts. Facture totale pour les conditions d’hiver additionnelles : 350K$.
On prévoyait livrer le bâtiment en mai 2027. Un bon timing, étant donné la grosse saison des déménagements (1er juillet). Maintenant, avec 4 mois de retard, les locataires vont commencer à aménager en septembre 2027. On vient de manquer le mois de juillet, et les déménagements à l’automne / hiver sont beaucoup moins nombreux. On aura besoin de 6 mois supplémentaires pour remplir le bâtiment. 6 mois avant de pouvoir refinancer à long terme notre bâtiment. Une perte de revenus et une hausse de la charge d’intérêts de 1.05M$.
Autres facteurs à considérer
Plus un projet est repoussé, plus on s’expose à des facteurs de changement incontrôlables. Changement à la réglementation, administration municipale moins favorable, nouvelles charges de développement, etc. Ces risques sont difficiles à quantifier, mais ils peuvent venir dérégler complètement un pro forma.
Autre point non négligeable : la confiance des partenaires financiers. Oui, je comprends, c’est la ville qui est en retard pour des raisons XYZ. Peu importe : c’est l’échéancier du développeur, les coûts présentés par le développeur. C’est ce que les partenaires regardent. C’est pourquoi les partenaires paient le développeur. C’est la responsabilité du développeur, que ça nous plaise ou non.
Une facture salée
Additionnons tous les écarts ci-haut. La colonne de gauche est le budget initial, et la colonne du centre représente le pro forma mis à jour :
4 petits mois de retard. 1.9M$ de plus en coûts de développement.
Je vais écrire un article plus approfondi sur les impacts des retards de chantiers et des charges de développement. L’impact général sur le prix des condos et des loyers. Pour le moment, disons que pour ce projet j’avais prévu louer mes unités à 1800$ / mois en moyenne. Avec des coûts supplémentaires de 1.9M$, je devrais louer les unités à ~1900$ / mois pour retourner à la performance financière initiale présentée aux investisseurs.
100$ de plus par mois, 1200$ par année par unité, pour un retard de 4 mois. On sait tous qu’il y a projets qui ont beaucoup plus que 4 mois de retard. Rien pour favoriser l’abordabilité du logement. On y reviendra.
BRIQUES ET DOLLARS
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