Logements et cheveux blancs (suite)

On a vu la semaine dernière que le Québec comptera d’ici 5 ans plus de 1.8 million de personnes âgées entre 60 et 75 ans. Je regarde cette semaine ce que je peux faire pour me préparer à cette réalité. 

 

Accessibilité  

60-75 ans n’est pas tellement vieux. La majorité des gens possèdent encore une pleine autonomie physique. Pour ceux pour qui ce n’est (malheureusement) pas le cas, il faut se tourner vers les résidences pour personnes âgées. Je me contente ici de parler de logements standards, mais adaptés pour cette tranche d’âge.  

Même si 60-75 ans n’est pas si vieux, les contraintes physiques commencent tout de même à se manifester. Quelques initiatives qui favorisent l’accessibilité: 

  • Des barres d’appui dans la salle de bain. 

  • Des douches de plain-pied (au lieu d’un bain-douche qui demande d’enjamber la hauteur du bain). Ou encore un bain-douche, mais avec une petite porte qui s’ouvre sur le côté et qui évite d’avoir à prendre une grande enjambée. 

  • Des logements avec moins d’escaliers. Donc éviter les plans de logement à multiples paliers. 

 

Certaines initiatives sont plus faciles à dessiner lorsqu’on développe un nouveau projet, mais la plupart des points ci-haut peuvent être incorporés dans un bâtiment existant. L’ajout de barres d’appui par exemple est quelque chose de facilement adaptable pour n’importe quel logement. 

Et quand je parle d’accessibilité, je répète que je fais référence à des gens qui ont une mobilité normale pour cet âge. Les gens de 60-75 ans ne se considèrent pas comme des “p’tits vieux” : ajouter d'énormes barres d’appui et un tapis de caoutchouc de 2 pouces d’épais dans le fond de la douche n’est pas très vendeur pour un jeune retraité. 

On peut ajouter des petites touches d’adaptabilité avec goût. Le côté pratico-pratique n’a pas besoin de sacrifier le design et l’esthétisme de l’unité. J'ai fait quelques visites de logements avec un membre de ma famille d’environ 70 ans : les unités étaient soit pratiques (et laides), soit belles (et aucunement pratiques pour quelqu’un de 70 ans). Les gestionnaires qui trouveront le bon mix auront un avantage marketing assez important, à mon avis. 

 

Simplification et solutions clés-en-main 

Lorsque les gens vendent leur maison, le but est de se simplifier la vie, pas de la compliquer. Offrir des logements tout inclus (chauffage, électricité, stationnement, internet, etc) et répondre rapidement aux besoins de réparation dans les unités est souvent suffisant pour se démarquer des compétiteurs.  

Cette cohorte d’âge a souvent les moyens financiers de se payer des logements assez dispendieux : le niveau de services doit toutefois le refléter. Mon expérience est que plus les choses sont simples et fixes (le loyer est de x$ tout inclus pour 2 ans), plus cette cohorte sera confortable.  

Aussi, la possibilité d’incorporer des services connexes pour simplifier la vie de cette clientèle doit être analysée. Pourquoi pas: pour x$ par mois, vous avez un logement, électricité, stationnement, internet, et quelqu’un qui passe faire le ménage à chaque 2 semaines (ou toute autre tâche domestique). En offrant des services connexes, ce n’est pas nécessaire d’engager des nouvelles ressources: on peut faire affaire avec une compagnie externe qui s’occupe par exemple de l’aide domestique. L’important est qu’en étant le point de contact, je simplifie la vie de ma clientèle. Oui, ça augmente ma charge de travail et mon besoin de coordination entre plusieurs parties. C’est pour ça que je peux charger un loyer élevé. 

 

Grosseur des unités 

La taille des unités a diminué d’année en année, surtout dans les grands centres urbains. Rien de surprenant : si un 4 ½ de 1000 p.c. se loue à 2200$ par mois (2.20$/p.c), alors qu’un autre 4 ½ bien dessiné de 950 p.c. se loue également à 2200$ par mois (2.32$/p.c.), c’est clair que les incitatifs sont forts pour que les développeurs trouvent des moyens de diminuer la taille des unités et augmentent le $/p.c. locatif. 

Les unités modernes sont pour la plupart efficaces et bien dessinées, ce qui fait qu’un 950 p.c. moderne, même un 900 p.c., a souvent l’air d’être aussi grand qu’un 1000 p.c. mal dessiné. Mais il y a des limites à diminuer la taille des unités, et je pense qu’on est pas mal rendus à la limite. Un 4 ½ de 700 p.c. est faisable, mais ce n’est pas vrai que les gens vont payer 2200$ (en moyenne). 

Une portion des 60-75 ans sont des gens qui ont vécu dans une maison, ou de grands logements pour élever leur famille. Maintenant que les enfants sont partis, oui ils sont prêts à diminuer leur espace de vie, mais jusqu’à un certain point.  

Si je développe des appartements, ce n’est pas trop difficile de dessiner mes unités en fonction de mon public cible. Si je vise le créneau des 60-75 ans, mes 4 ½ par exemple seront évidemment plus grands que si je développe dans Griffintown. 

Si je possède un bloc appartements, c’est plus compliqué. Évidemment, on peut toujours défoncer des murs pour jumeler 2 unités adjacentes, mais ça donne souvent un design pas tellement intéressant. En plus d’occasionner des coûts et d’avoir à toucher à l’eau et l’électricité du bâtiment. 

Donc si j’ai un bâtiment existant, je dois être plus créatif. Par exemple, disons que je vise des “empty nesters”, c’est-à-dire des couples dont les enfants ont quitté le nid familial. Contrairement à ce que je viens d’écrire ci-haut, pourquoi ne pas transformer des 5 ½ en 4 ½ : en éliminant une chambre (qui n’est de toute façon plus nécessaire pour le couple), je peux augmenter la dimension de l’espace de vie (salon et cuisine).  

En plus d’augmenter l’espace de vie, je peux aussi repenser d’autres espaces: si mon stationnement sous-terrain est de moins en moins utilisé et que j’ai toujours quelques cases de libre, je pourrais transformer ces cases en espaces de rangement pour les gens qui vivaient précédemment dans un grand logement et qui ne sont pas prêts à se départir de plusieurs biens.

 

C’est difficile de présenter des conclusions générales, parce que chaque bâtiment est différent et aura besoin d’initiatives spécifiques. Mais c’est clair pour moi que “on ne peut pas faire grand-chose parce le bâtiment est déjà construit” n’est pas une excuse valable pour éviter de s’adapter aux 60-75 ans.

Espaces communs  

Évidemment, la proximité des bars et des universités n’a pas le même effet sur les 60-75 ans versus d’autres cohortes d’âges. Pas plus que la piscine extérieure avec un DJ la fin de semaine. 

Les espaces communs peuvent être adaptés. Les services de l’immeuble en lien avec la sécurité et la tranquillité sont plus valorisés.   

Pas besoin de fermer la piscine intérieure et de recycler cet espace en tables de bridge : des petits changements subtils mais ciblés sont souvent tout ce qui est nécessaire pour attirer la clientèle (ceci étant dit, avoir quelques tables de bridge est souvent une bonne idée!).  

Utiliser du matériel marketing avec des têtes grisonnantes lance aussi un message facile à saisir. 

 

Communautés 

Rassembler les gens, créer une communauté. C’est souvent théorique. Mais quand c’est bien exécuté, c’est une bonne façon de se démarquer des compétiteurs.  

Le classique est un développement autour d’un terrain de golf. Le golf est de moins en moins populaire. Si je planifiais un développement autour du golf, non seulement j’inclurais (évidemment) l’accès au terrain: j’inclurais aussi des cours de groupe avec le professionnel du club, ou d’autres activités pour rassembler les gens.  

Mais je pense qu’il y a bien mieux que le golf. Pourquoi ne pas créer des logements (maisons de ville, condos, appartements, peu importe) autour d’un centre communautaire. Et dans ce centre communautaire, on y fêterait les fêtes de l’Ouest comme Noël, mais également celles de l’Asie du Sud comme Diwali. Et chaque semaine, des cours de cuisine indienne (suivies de copieuses dégustations) seraient ouverts à tous.  

Trop niche? Pourtant, c’est un projet réel qui est bâti dans Hanover Park, à Chicago. Ou encore ce projet, qui rassemble les amateurs de football au Wisconsin.

Comme je l’ai souligné la semaine dernière, si j’ai un restaurant et que j’essaie d’offrir tous les types de cuisine, probablement que tout sera moyen (au mieux). Essayer d’être bon dans tout, c’est souvent décider d’être bon dans rien. 

Mon concept de cuisine indienne ne sera pas intéressant probablement pour 99% de la population de 60-75 ans. Aucune importance, car 1% de cette cohorte représente 18K personnes: c'est bien assez pour que je puisse bâtir 150 appartements, 50 maisons de ville et 200 condos.  

Je peux difficilement être trop niche dans mon marketing: si j'ai un projet novateur qui crée (vraiment) de la valeur pour la clientèle, et que je ne suis pas trop loin d’un centre urbain, c’est pratiquement assuré que la demande sera suffisante pour à peu près tous les concepts niches que j’ai en tête. Une communauté autour d’une petite ferme organique? Autour d’un ensemble de terrains de pickleball? 

L’enjeu est de créer de la valeur, par contre. Vendre des condos et louer des logements autour d’un terrain de tennis pas trop bien entretenu n’apporte aucune valeur. Si je me lance dans une niche, soit je me lance à fonds, soit je laisse faire et je crée un autre développement qui ressemble à tous les autres (rien de mal à ça). 

 

Autres idées? 

La cohorte des 60-75 ans est nombreuse, et le vieillissement de la population ne s’arrêtera pas de sitôt.  

Les possibilités de penser à l'extérieur de la boîte sont nombreuses. 

Je pourrais créer un partenariat avec des courtiers spécialisés pour offrir une solution clé-en-main à des “downsizers”: le service de luxe inclurait la vente de la maison, la recherche d’un nouveau domicile, l’entreposage externe des biens si nécessaire, etc. L’accompagnement logistique serait complet.  

Pour les gens moins fortunés, peut-être qu’un système de co-living pour les 60 ans et plus pourrait être intéressant. Les gens pourraient choisir leurs partenaires de logement, ou encore entrer leurs intérêts dans un système et se faire recommander des co-locataires qui semblent être un bon fit.  

Offrir des logements pratiques, qui combineraient vie privée et communauté dans une formule intergénérationnelle?  

Je me prends une note à moi-même de revisiter ce sujet sous peu. Les possibilités et le timing semblent être excellents pour offrir des produits d’habitation mieux adaptés à une cohorte de population aussi nombreuse. 

BRIQUES ET DOLLARS

Recevez chaque semaine des conseils, des histoires et des statistiques en lien avec l'investissement immobilier.