Le nombre de stationnements d’un projet de développement résidentiel a un impact majeur sur sa rentabilité. Trop de stationnements, ce sont des coûts de construction qui ne rapporteront jamais un seul dollar. Pas assez de stationnements, et ce sont quelques unités qui resteront vacantes parce que les locataires potentiels ont besoin de plus de cases pour leur(s) véhicule(s).
Il y a 2 semaines, j’ai examiné la différence de rentabilité entre des stationnements souterrains et des stationnements extérieurs. Cette semaine, j’analyse l’impact du ratio de stationnement sur le rendement.
Rappel : le coût d'un stationnement souterrain
Cette semaine, pour comparer des pommes avec des pommes, je compare 2 projets avec stationnement souterrain.
On a vu la semaine dernière que le coût d’un souterrain standard varie entre 100 et 140 dollars le pied carré ($/p.c.). La superficie moyenne par case (incluant les espaces perdus comme la rampe de stationnement, allées de circulation, etc) est d’environ 450 pieds carrés (p.c.). Donc une case souterraine coûte en moyenne 54 000$.
Quel est le ratio de stationnement optimal ?
Le nombre de cases nécessaires pour un projet est entièrement dépendant de sa localisation et de sa typologie.
Utilisons un ratio de 1,0x (donc pour un projet de 100 unités, j’aurais 100 cases de stationnement).
Prenons un projet avec une typologie de petites unités (disons 30 studios, 60 unités à 1 chambre et 10 unités à 2 chambres). Le bâtiment sera situé en face d’une station de métro à Montréal, et la clientèle visée sera une clientèle de jeunes professionnels et d’autres usagers du transport en commun. Pour ce projet et ce type de clientèle, 100 cases de stationnement serait beaucoup trop élevé. Un ratio autour de 0,25x – 0,35x serait probablement plus approprié. Et même là, on pourrait être encore plus ciblé dans notre marketing et avoir un ratio plus bas : on s’apprête à construire un bâtiment d’environ 50 unités qui s’adresse aux cyclistes et autres adeptes de mobilité durable, et nous ne construisons aucun stationnement.
Prenons un autre projet, complètement différent. Un bâtiment en région, dans un quartier assez fortuné, loin d’un quelconque pôle de transport en commun, et ayant uniquement des unités de 2 ou 3 chambres. Pour ce projet, 100 cases de stationnement serait vraisemblablement trop serré. Un ratio aux alentours de 1,5x – 1,75x serait plus approprié.
Il n’y a pas de formule magique pour déterminer le ratio optimal. Il faut considérer le type de locataires qu’on vise, et leurs habitudes de vie.
Également, dans l'étude de marché du projet, les évaluateurs devraient recenser les ratios, les loyers et les taux d’occupation des projets résidentiels dans les environs. Même si toutes ces informations ne sont pas 100 % exactes, ça donne une bonne idée de la demande de stationnements de projets comparables.
L’impact d'un ratio trop élevé
J’ai vu au fil des ans 1 seul projet qui semblait avoir un ratio de stationnement trop bas, ce qui faisait en sorte que certaines grandes unités n’étaient pas louées car il manquait de cases disponibles. En même temps, ce projet n’était pas très attirant pour les familles pour un paquet d’autres raisons, donc c’est difficile d’affirmer hors de tout doute que le ratio était le principal problème.
Par contre, j’ai vu énormément de projets avec trop de stationnements. Des cases vides en permanence. Parfois, c’était parce que la ville avait mandaté un ratio de stationnement minimum. Lle développeur n’avait eu d’autre choix que de bâtir un certain nombre de cases. D’autres fois, c’était une erreur du développeur, qui avait surestimé la demande de cases. D’une façon ou d'une autre, le résultat est le même : des résultats financiers décevants.
Prenons un projet de 100 unités, qui a une demande de 100 cases (ratio nécessaire de 1,0x). Comparons les résultats d’un développement qui vise juste et qui bâtit 100 cases. Versus un développement qui compte 125 cases, que ce soit parce que c’est une demande de la ville ou parce que le développeur s’est trompé :
Dans les scénarios ci-haut, les unités sont louées en moyenne à 2 150 $/mois, et les cases de stationnement à 150 $/mois. La seule différence entre ces 2 scénarios est que dans le 2e scénario, 25 cases de trop ont été construites (et demeurent vacantes).
Les coûts du 2e scénario sont de 1,8 M $ plus élevés, car en plus du 54 000 $ par case de gaspillés, il y a également les frais financiers sur ces coûts et d’autres charges connexes liées aux 25 cases supplémentaires. Des cases qui au final n’augmentent pas la valeur (JVM) du bâtiment, puisqu’elles demeureront vides et ne rapportent pas un seul dollar de revenu.
Faisons le même exercice que la semaine dernière : pour que le 2e scénario soit similaire financièrement au 1er scénario, à combien est-ce qu’on devrait louer les unités? La réponse est qu’on devrait louer les unités en moyenne à 2 250 $/mois pour éponger la perte sur les 25 cases non louées.
Conclusion
Si la ville impose de construire trop de stationnements, ou si un développeur se trompe dans son estimation du nombre de cases nécessaires, l’effet est le même : le prix des loyers doit augmenter pour compenser le gaspillage.
Dans l’exemple ici, 25 cases construites en trop avaient pour effet de nécessiter une augmentation du loyer moyen par unité de 100 $/mois pour que la mathématique financière se balance. Dépendant de la différence entre le nombre de cases construites et le nombre de cases réellement nécessaires, cet écart peut varier.
Quelques villes ont éliminé leur ratio de stationnement minimum. Mais la plupart des villes maintiennent un ratio minimal supérieur à la demande réelle de stationnements, ce qui résulte en un prix des loyers plus élevés pour justifier les investissements.
L’argument que j’entends le plus souvent pour un ratio minimum est que s’il n’y en a pas, les développeurs ne construiront pas de cases et tout le monde va se stationner dans la rue, ce qui est déplaisant pour les voisins.
Premièrement, plusieurs résidents refuseront de louer si aucune case ne se trouve sous leur immeuble (tel que mentionné ci-haut, dépendant de la clientèle visée). Donc les développeurs ont tout intérêt à construire un certain nombre de cases. Et deuxièmement, s’il y a des cases qui sont vacantes en permanence (comme on le voit dans plusieurs projets), le fait d’avoir un ratio minimum ne fait pas en sorte que “moins de gens se stationnent dans la rue” : le ratio minimum fait juste en sorte qu’on construit plus de cases vides, et que le loyer de tout le monde doit être plus cher pour rien.
Il existe aussi plusieurs outils de planification urbaine pour les gens qui affirment que “tout le monde va se stationner dans la rue et ça va être le bordel”. Donald Shoup et plusieurs autres économistes ont offert des solutions intelligentes pour la gestion des stationnements en milieu urbain. Imposer des ratios de stationnement minimums (souvent basés sur des moyennes aléatoires) n’améliore ni l’abordabilité du logement, ni la congestion routière, ni les revenus des villes. On peut faire mieux.
En terminant, le développement des modes et pôles de transport en commun, les services comme Uber ou Communauto, ainsi que les technologies (pas encore tout à fait à point) en lien avec les voitures autonomes pointent tous vers une baisse du nombre de cases de stationnement nécessaires. On dispose de peu de données au Canada, mais des recherches comme celle-ci de Transportation Research Record, ou encore celle-ci du U.S. Department of Transportation, démontrent que la tendance du nombre de stationnements nécessaires est définitivement à la baisse aux États-Unis.
BRIQUES ET DOLLARS
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